Biographie

Mon parcours jusqu’à l’INRA

Une passion pour l’élevage

Mon chemin vers l’INRA a commencé en 1981 lorsque j’ai quitté Paris pour la « campagne ». J’avais 25 ans. J’étais secrétaire dans une grande entreprise et je ne connaissais rien du monde agricole, rien de l’agriculture, rien de l’élevage.

 « J’ai progressivement compris
d’où venait ce que je mangeais
sans me poser de questions »

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J’ai trouvé un emploi dans une PME et j‘ai peu à peu installé un potager, monté une basse-cour et appris grâce à mes voisins et amis agriculteurs, à soigner, à tuer, à plumer, à dépouiller les animaux. J’ai progressivement compris d’où venait ce que je mangeais sans me poser de questions. Pour manger du lapin, du poulet, de l’oie à Noël, il fallait faire naître les animaux, les élever puis les tuer. Non pas tuer du lapin mais mes lapins, mes poulets, mes oies… Est-ce que c’était bien ? Est-ce que c’était juste ? Pour mes voisins, cela l’était, sans conteste. Pour moi, cela n’allait pas de soi. Suite à une rencontre avec des chevrières, est née en moi l’idée que je pouvais abandonner le métier de secrétaire pour celui d’éleveure. Pourquoi ? Car ma vraie vie commençait quand je sortais de l’usine. J’ai commencé à travailler avec les chèvres dès que l’occasion se présentait. J’ai appris à faire naître, à traire, à soigner. J’étais dans mon élément. J’ai acheté quelques brebis laitières corses et j’ai aménagé une bergerie, trouvé des terres à louer… Progressivement, le troupeau a grandi et la maison est devenue une petite ferme.

« C’est en pratiquant le métier d’éleveure
que j’ai commencé à m’interroger
sur ses enjeux moraux »

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C’est ainsi que j’ai exercé le métier d’éleveur pendant plusieurs années. Ma formation a été courte et sur le tas et pourtant, je pouvais faire de l’élevage. J’avais le « feeling », comme le disaient les gens du hameau, même si je me demandais de quoi il était fait.

J’ai énormément aimé ce métier et en le pratiquant, je m’interrogeais sur sa nature, sur les enjeux moraux du travail, sur ce qui guidait mes choix. Comme tous les éleveurs que je connaissais, je me souciais beaucoup du bien-être de mes animaux car j’en étais responsable. Je travaillais beaucoup mais j’avais énormément de bonheur à faire ce métier. Mon existence avait pris une autre dimension. Elle avait changé de densité.

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De la ferme à la découverte de l’élevage industriel

Nous sommes dans les années 90. Je quitte la ferme et me retrouve dans une porcherie industrielle en Bretagne, dans le cadre d’une reprise d’études. Le choc est rude ! Et il a continué de l’être quand j’ai du, par nécessité, travailler en porcheries industrielles. Après avoir côtoyé des chèvres et des brebis individualisées et respectées, je me retrouve face à des truies encagées dans des bâtiments où le jour ne se distinguait pas de la nuit, où l’on ne respirait qu’avec peine, avec des « éleveurs » qui n’avaient que le mot « argent » à la bouche, ces mêmes « éleveurs » qui battaient les animaux pour les déplacer, les traitaient  d’« enculés » ou de « connards », qui se prenaient pour l’élite et qui ne semblaient espérer de la vie que de changer de voiture.

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Dans une station expérimentale du Sud-Ouest, dans laquelle j’ai également travaillé, le bâton de caoutchouc était le moyen de communication privilégié. A l’inverse de ce qui me semblait tomber sous le sens, les salariés, pour déplacer les cochons, entraient dans la case de front en hurlant, sans raison. Si en Bretagne j’ai refusé de frapper les animaux, je persistais dans ce sens dans la station expérimentale. J’ai appliqué des méthodes qui me semblaient les meilleures. L’apparent désordre que généraient mes façons de travailler a d’abord fait l’objet de critiques, avant de faire évoluer les conduites de mes collègues vers plus de douceur.

« Je voulais comprendre pourquoi
ces gens ordinaires dont
je me sentais proche acceptaient
la violence et le non-sens de leur travail »

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J’ai choisi la voie de la raison parce que je voulais faire cesser cette situation de violence contre les animaux et contre la vie, mais aussi et surtout pour la comprendre. Je voulais comprendre pourquoi les personnes de ce milieu, ces gens ordinaires dont je me sentais proche qui acceptaient la violence et le non-sens de leur travail. Qu’est-ce qui les empêchait vraiment de dire non ? Qu’est-ce qui faisait tenir et durer ce système insupportable ? Plus largement, pourquoi choisir la violence, la laideur et le malheur plutôt que la générosité, la beauté et la joie ? »

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Devenir sociologue à l’INRA

« Après avoir quitté ma ferme, j’ai repris les études agricoles que je n’avais pas faitesavant mon installation. J’ai tout d’abord passé un Bac agricole, puis un BTS« productions animales ». Rien de ce que j’apprenais au cours de la formation n’avait de lien avec ce que j’avais vécu en tant qu’éleveure avec mes animaux. La formation était uniquement technique, centrée sur la zootechnie telle qu’elle était au 19ème siècle.

« J’ai voulu comprendre
ce qui différenciait l’élevage
des productions animales »

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J’ai voulu comprendre ce qui différenciait l’élevage des « productions animales » et comprendre ce que l’élevage avait de particulier du point de vue de la relation aux animaux. C’est pourquoi après mon BTS, j’ai passé un certificat de spécialisation, trouvé du travail en tant que technicienne et préparé en même temps un concours d’ingénieur agricole. J’ai réussi ce concours et, après deux ans d’études, j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur. C’est au cours de ce cursus d’ingénieur que j’ai commencé à faire de la recherche intentionnellement, et non plus seulement pour satisfaire ma curiosité. J’ai pris contact avec des chercheurs dans le cadre de mon mémoire d’ingénieur. J’ai alors constaté, sans grande modestie, que j’étais tout aussi capable qu’eux  de faire de la recherche sur les relations entre hommes et animaux en élevage parce que je connaissais de près cette relation et les animaux. J’ai compris que mon expérience du travail réel avec les animaux, alliée à des compétences de chercheur que j’avais progressivement acquises, me permettaient de construire une véritable recherche sur ce qui m’intéressait.

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J’ai alors passé un master qui portait sur les relations entre humains et animaux dans les abattoirs et ensuite soutenue une thèse sur les relations affectives entre éleveurs et animaux. Ma thèse, soutenue en 2001, un peu plus de dix ans après ma reprise d’études, a reçu les félicitations du jury et a été lauréate du prix Le Monde de la Recherche Universitaire. J’ai ensuite été recrutée comme chercheure à l’INRA pour travailler sur les questions de souffrance au travail dans les productions animales mises au jour par mon travail de recherche. En 2014, j’ai été nommée directrice de recherches ».

 

 

Jocelyne Porcher.

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